Mes Cévennes
Vous en parlez
Denis Meissonnier
Voilà pour moi une photo qui représente « Mes Cévennes ».
Prise à Mialet le samedi 25 Novembre 2023.
avec l'autorisation de Jacques VERSEIL, Berger.
Denis Meissonnier
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Daniel SALLES
Je ne suis pas né dans les Cévennes. Mon père et son père, mon grand-père, sont nés à Marseille. Le père de mon grand-père, mon arrière-grand-père est lui aussi né à Marseille en 1859, mais, David Jules SALLES son père, mon trisaïeul, est né à Saint-Hippolyte-du-Fort. Avec son épouse Marie CALVET de Saint-Jean-du-Gard, ils sont « descendus » à Marseille avant 1859, pour des raisons à ce jour inconnues. Moi je suis né en Avignon.
Pour dire que je descends d'ancêtres Cévenols qu'à ma quatrième génération et que je suis entré en généalogie très précisément qu'en l'an 2000. La conjonction de ces deux événements… Fait de moi un Cévenol tardif.
Pourtant il n'aura suffi que d'un paysage vu pour la première fois du sommet du mont Lozère et de l'émotion qui m'a alors saisi. Puis de la connaissance d'une histoire au travers d'un film : Les Camisards de René Allio, et qui me fait sans doute entrer « en généalogie » et plus tard, bien plus tard, en parcourant le pays du fond de quelques-unes de ses vallées, aux sommets de quelques-unes de ses crêtes, en m'attardant dans ses villages et ses hameaux, en musardant dans les ruines d'une maison d'où suinte l'histoire, pour que soudain « l'esprit des lieux » apparaisse avec force, m'envahisse et me submerge pendant de longues minutes, m'oblige à m'asseoir sur ce rocher, sur ce muret, devant cette maison, au pied de ce châtaignier...
Ce phénomène singulier peu naître, parfois, dans d'autres lieux, dans d'autres espaces, dans d'autres histoires, sans doute, mais dans les Cévennes et d'une manière aussi fulgurante qui amène parfois les larmes, pourquoi ? Parce qu'ici… ce sont Mes Cévennes.
Daniel Salles
octobre 2023
Bernard Becamel
Ah les Cévennes, vaste débat quand il s’agit de savoir où elles commencent et où se termine leur longue ondulation. Quelle importance ? peu importe comment on les dessine, les peint, les écrit, les décrit, les photographie, les géographie. Non pour moi les Cévennes, celles du Sud, de la voie Régordane, des ceps de vigne, des treilles de clinton, celles bordant la grande plaine occitane, veillées de près par le « vaisseau en Cévennes » de Portes. Où celles du Nord, assises entre l’Aigoual et le Lozère, celles affrontant les couronnes rocheuses du causse Méjean et la montagne du Bougès, autrefois les hivers rudes et rigoureux. Toutes ces vallées profondes et sinueuses, si différentes et tellement et outrageusement semblables. Les Cévennes ne peuvent se décrire, elles se vivent, se respirent, se ressentent dans son for intérieur. Et le fait d’y avoir ses racines les plus profondes plantées dans cet amas de schiste, de châtaigniers, de chênes verts ne peut que conforter cette vision. Le fait d’y avoir mes ancêtres les plus lointains reposant dans un petit cimetière après avoir trimé toute une vie laborieuse à remonter des bancels, à économiser le peu de terre arable, canalisé des eaux précieuses, soigné comme personne des châtaigneraies magnifiques, battue sur ces « aires » de grandes lauzes de schiste le froment et le seigle nourriciers, affronté la misère et la dureté des hivers en pliant le col. Mais le front toujours haut et le regard clair, avec leur foi, qu’elle soit romaine pour une petite et infime minorité (dont les miens font partie) ou réformée pour la plus grande majorité, chevillée au plus profond d’eux-mêmes. Mourant pour ce qui leur semblait essentiel. La parole et la sagesse se transmettant autour de l’âtre, peu importe que les pierres de la grande cheminée soient de granit, de schiste ou de calcaire, la parole étant de la même clarté, de la même intelligence collective, portant le même espoir. Et puis s’en vint le temps de l’exil, le peu de terre restant ne pouvant nourrir tout un peuple. Ils quittèrent leurs pauvres champs, leurs maigres troupeaux, leurs châtaignes grillées et leur « bajana » , leur journée de fête par la tuerie du cochon pour s’en venir descendre dans la noirceur du charbon, bêtes de somme, leurs mains calleuses tellement habituées à trimer qu’ils devinrent tout naturellement les « mans negros, pan blanc ». Hommes de fierté et de devoir, femmes de volonté et d’abnégation. Toujours debout, toujours vivants, porteurs des valeurs ancestrales. Voilà Ma Cévenne a moi, tellement loin et pourtant si intimement chevillée a l’image Des Cévennes reconnues au plan mondial et ou des milliers de touristes viennent profiter quelque peu de paysages grandioses, cheminant de ci de là, passant peut être à côté de l’essentiel sans le vouloir, sans le savoir…….
Claude Granier
La Coste en Cévennes, souvenirs de jeunesse !
Malgré mes origines cévenoles (Saint Hippolyte du Fort), je n’ai jamais vécu dans la région, mais j’y ai séjourné pendant de nombreuses vacances d’été dans mon enfance. D’abord à la colonie de vacances de l’AGAPP au Pompidou, puis adolescent dans le hameau voisin de La Coste. Et c’est dans ces quelques vieilles bâtisses abandonnées que le couple Hemmerlin, qui en avait acquis la propriété, organisa durant une dizaine d’années (jusqu’en 1968 ou 69) les « Nuits de La Coste » un spectacle son et lumière magique qui attirait des centaines de cévenols ou de vacanciers. Pendant des années, des jeunes (j’en était…), la plupart protestants, sont venus des quatre coins de la France pour retaper les bâtisses, préparer et interpréter le spectacle et vivre une aventure humaine qui les a marqués durablement !
Alain Montagut
Eliane Crouzet
Je me sens si profondément cévenole que j'ai eu du mal à dire ce que les Cévennes sont pour moi
Mes Cévennes ce sont des paysages, des sensations, et un profond sentiment d'appartenance
C'est le pays où je suis née, que je connais, je le vis comme une évidence ; toutefois c'est au cours des sorties pédestres que j'ai faites, dans ces paysages, que je me suis rendu compte de ce qu'elles représentaient pour moi. Là dans le silence souligné par le chant des oiseaux ou celui de quelque ruisseau je me ressourçais après une semaine passée dans le bruit et l'agitation de ma classe.
Mes racines étaient là ; là est mon patrimoine avec ses rochers, ses arbres, ses plantes , avec son mode de vie et ses coutumes, légués par mes ancêtres.
J'ai visité d'autres pays, vu de beaux paysages , de beaux monuments, j'y ai rencontré des gens intéressants, mais j'y ai eu le mal du pays, et ressenti le besoin de rentrer chez moi.
Colette Deleuze
Les miennes débutaient quand je prenais le train, enfant, pour monter d’Alès à Florac qui ne s’appelait pas encore Trois rivières, en visite chez mes grands-oncles et tantes. J’y mangeais de la cardabelle, tranchée, passée à la poêle, au goût d’artichaut. C’est interdit désormais, les souvenirs restent. Mais habitant Alès on en connaissait déjà les châtaignes, les pélardons et aussi les cèpes du col de Pendedis... J’ai connu aussi les virages de reconnaissance des critériums, mais surtout des paysages merveilleux et inoubliables, d’où l’on ramenait un petit bouquet de bruyères pour égayer l’hiver. Et l’Aigoual, où nos pensées s’envolent aux quatre vents, pour toujours dans mon cœur.
Jean Deleuze
Souvenirs de jeunesse
Lors de reconnaissances des épreuves spéciales du Critérium des Cévennes, avec Colette il nous est souvent arrivé de nous arrêter de manière impromptue devant la splendeur du paysage, des quantités de faïsses surgissant de nulle part, éclairées par une lumière tamisée par la brume matinale de novembre, les châtaigniers nous offrant leur symphonie de couleurs automnales et moteur coupé le silence nous parlant de l'Histoire, sans préjuger à l'époque de futures recherches généalogiques familiales... L'émotion est toujours la même en revoyant mentalement ces images.
Colette Lavilledieu
Les Cévennes où le souffle des ancêtres de l’Ardèche à la Lozère m’ont portée à :
Thines et St Etienne Vallée française berceau de mes ancêtres,
Concoules et Génolhac, souvenirs d’un camp de scouts,
Ste Croix Vallée Française, la chambre d’hôte « La Deveze » perdue au bout du monde !
Sumène, l’installation de mes enfants.
Ganges, la naissance de deux de mes petites filles.
Beaucoup de bonheur au fond du cœur.
Nicole Bonsignori
Les Cévennes c'est quoi ? "Le courage de s'en arracher, sans jamais y renoncer "
Josiane Lantoine
Simone Meissonnier
Mes Cévennes à moi commencent à Anduze ; classique me direz vous . C’est une des cités qui s’énorgueillit de l’appellation ‘’Porte des Cévennes’’… c’est aussi là où je suis née.
Mes ancêtres sont cévenols ; la plupart gardois et lozériens, mais d’autres sont originaires de la région du Vigan et même de la basse Ardèche . Pour moi les Cévennes c’est donc très vaste , ça correspond au rebord montagneux sud du Massif central.
Ne me parlez pas de Cévennes religieuses, géologiques, climatiques, littéraires, culturelles…Même si ces termes ont de la valeur , ce ne sont que des termes pour aborder une particularité et non pour définir la région, car :
Ce pays au relief souvent tourmenté est fait de collines et quelques monts s’élevant au dessus de 1000 m, où calcaire, argile , schiste et granit se retrouvent…
Où l’altitude varie de 117 m. au bas pays à Anduze, à 1455 m à l’Aigoual et 1699 m.au mont Lozère!
Où le climat est pluriel, méditerranéen pour la partie sud, devenant montagnard au fur et à mesure qu’on monte en altitude, avec tout de même un point commun : les épisodes cévenols.
Où la végétation est différente selon la localisation, l’altitude ,la nature des sols…
Cévennes religieuses, pourquoi pas ? mais encore. Si la contrée a été très marquée par les affrontements religieux, la coexistence pacifique revenue, il reste toujours des vallées fortement protestantes et d’autres catholiques.
Cévennes culturelles, pas vraiment me semble t il . D’autant que les zones d’attractions sont différentes, les habitants de haute Lozère se tournent vers Florac ou Mende, l’Hérault pour ceux de la région viganaise, Alès et Nîmes pour le bas pays… Les Cévennes , ce vaste territoire, se sont ‘’vidées ‘’et pourtant elles sont bien là, vivantes ? Pour moi comme pour beaucoup je suppose, c’est le pays de nos aïeuls, ‘’el pays da moundav,’’ le pays des gavots !
Peut être serait-il intéressant en plus de : c’est quoi les cévennes… ? de se pencher sur : c’est quoi être cévenol ?
Simone Meissonnier
Eté 2023
Mme Polge
La Cévenne de Sénéchas en 1950
Sénéchas petit village à 400 mètres d’altitude compris entre deux rivières, l’Homol et la Cèze et la montagne du Mas de la Barque à 1000 mètres d’altitude a vu sa population décliner au profil des villes après que les anciens habitants eurent disparus. Pourquoi ?
J’ai vécu de l’âge de quatre ans jusqu’à mes 10 ans chez mes grands-parents toute l’année et voilà ce dont je me souviens
- L’eau
L’eau courante au robinet n’est arrivée que vers 1968 grâce aux scouts qui l’ont amenée depuis Concoules à plus de dix kilomètres. Avant n’existaient que quelques sources à faible débit qui dès l’été venu arrivaient pratiquement à se tarir. Chaque maison avait son puits avec récupération de l’eau des toits qui servait à abreuver le bétail ou à tenir l’eau potable au frais durant les périodes de chaleur.
L’hiver peu de monde mais l’été venu, avec ma grand-mère nous partions moi avec un petit arrosoir chercher cette eau si précieuse dans une source située à 800 mètres de la maison très tôt le matin, avant que les « « lève tard » comme elle les appelait ne viennent chercher la leur. D’ailleurs il fallait attendre parfois qu’elle arrive par quelque faille et qu’elle remplisse ce trou d’un mètre de diamètre et de peu de profondeur. Surtout pas de gaspillage car elle était trop précieuse.
- Le pain
Le boulanger passé une fois par semaine. Une grosse miche était achetée. Je me souviens qu’un hiver ou il avait beaucoup neigé, il a fallu tremper le pain pour pouvoir le manger
- La lumière
La fée électricité n’est venue que vers 1952 en cent dix volts. Avant on s’éclairait avec une lampe à pétrole qui était utilisée avec parcimonie et qui me permettait de faire mes devoirs. L’hiver on se couchait tôt protégé par un édredon énorme car la cheminée ne fonctionnait plus, par économie de bois ou par peur d’un incendie
- La nourriture
2-1 Des humains
Ces anciens vivaient beaucoup en autarcie avec ce qu’ils cultivaient ou avec les animaux élevés. Ils avaient pommes de terre, navets, raves, poireaux qui poussaient grâce à la pluie. Pour les tomates, aubergines, haricots, courgettes on se rapprochait de la rivière d’Homol qui par des « béals » entretenus chaque année à cause de ses caprices et permettait d’arroser les prés et quelques banquettes de terre où poussaient ces légumes. Les « pélardons » et la plaquette de chocolat KOLHER me servaient de dessert
2-2 du bétail
Il fallait du foin pour l’hiver. Les prés tous en pentes fournissaient une herbe qu’il fallait couper à la faux, il fallait piquer la faux avec un marteau et une petite « enclume ». Ensuite on attendait que cette herbe sèche, pour la transporter on la mettait dans des « bourrats » ou dans « deux longes de pin percées reliées par de la corde » je ne me souviens plus du nom donné. Il fallait la transporter sur le dos, le corps plié sous la charge avec un sac de jute sur la tête et tenus par les deux mains au-dessus de la tête jusqu’au « palier » par un chemin pentu.
- Le bétail
Il était composé de quelques chèvres qui fournissaient le lait pour faire des fromages et avoir quelques chevreaux. Quelques brebis donnaient des agneaux qui étaient vendus. Les poules fournissaient les œufs et nous mangions du lapin le dimanche. Un cochon d’environ cent kilos que l’on tuait au mois de janvier tôt le matin devant la maison avec l’aide des voisins permettait d’avoir de quoi se nourrir. Chaque année avec ma grand-mère on descendaient leurs boyaux jusqu’à une source qui coulait près de la rivière et on les nettoyait avec une eau glacée, pendant que les autres découpaient la viande et le lard. L’après midi on faisait les boudins, les saucisses, les saucissons, les caillettes aux herbes et autres denrées qui étaient conservées pendues à une poutre puis mises dans un grand coffre en bois remplie de cendres propres
- Les châtaignes
Après ramassage durant l’automne on trié celles-ci suivant leur destination, les petites pour le cochon
- C’était la base de la nourriture des cochons, mélangées aux restes de l’alimentation humaine qui était cuite dans un chaudron sur un feu de cheminée avec quelques petites pommes de terre, qui leur permettaient de grossir en trois mois
- les autres suivant leur grosseur étaient vendues ou bien servaient à faire des châtaignes sèches pour conservation ou vente pour farine ou « bajana »
Préparation des châtaignes sèches
Sur le plancher de la « cléde » on étalait celles-ci sur une épaisseur de vingt à trente centimètres. En bas ont installé un feu de bois qui devait faire beaucoup de fumée, mais peu de flammes et restait actif toute la journée et qui vous piquez les yeux si vous ne restiez pas accroupis. Le soir on serrait ce feu afin qu’il ne s’éteigne pas. Tous les jours on les remuait
Après séchage on les mettait dans un « van dit pissaire» qui permettait de séparer la châtaigne de sa peau sèche, ce qui engendrait une poussière énorme. On recueillait les châtaignes de teinte blanche qui étaient encore triées suivant leur qualité pour être vendues, celles de couleur jaune ou celles cassées étaient conservées à la maison pour les poules une fois brisées, où pour le cochon
- La garde du bétail
A cette époque pas de barrières électriques et il fallait que chacun s’occupe des bêtes. Mon grand-père prenait les moutons et ma grand-mère les chèvres. Vers six, sept ans parfois je la remplaçais tout en apprenant mes leçons en mangeant un demi pélardon ou une tartine beurrée avec du cacao, avant de terminer mes devoirs à la lumière d’une lampe à pétrole qu’il fallait économiser
- Les revenus de la maison
Hormis la pension de guerre peu élevée, il fallait vendre sur le marché de Bessèges quelques œufs, lapins, pélardons, les agneaux étant apportés à la boucherie de la grand-rue. On attelait un cheval, sûrement prêté, à la jardinière de bon matin et après la vente mon grand-père achetait le strict nécessaire que ma grand-mère lui avait commandé. Les cerises et les châtaignes apportaient un supplément qui leur permettait de vivre chichement.
- L’école
A partir de 5 ans je suis allé à l’école où nous étions entre 20 et 25. La maitresse s’occupait des classes du CP au certificat d’études. Chacun savait ce qu’il devait faire pendant qu’elle expliquait les délicatesses du français à un groupe donné. Ceux qui venaient de loin mangeaient dans la classe, leurs gamelles que le poêle unique réchauffait . Que de souvenirs de cette époque ou les mathématiques succédaient à la conjugaison du verbe avoir et de ses règles avec le participe passé.
Conclusion
Tous leurs enfants sont partis à la ville pour trouver du travail. Les mines embauchaient, l’usine « Valourec » de Bessèges aussi mais peu d’autre activité dont des scieries
Les « vieux » sont décédés et plus personne ne s’est occupé de ces terres et de ces jasses laissées à l’abandon et qui tombent en ruine. Aujourd’hui leurs enfants ou petits enfants viennent passer un peu de temps l’été pour profiter de l’eau de ses rivières et du calme et puis repartent. Ils ont oublié le travail de leurs aïeux et peut-être même leur souvenir. Pour ma part j’ai vécu heureux durant toutes ces années, même si l’on n’avait rien car pas de magasin ni même un café